Il Diritto dell'Unione EuropeaEISSN 2465-2474 / ISSN 1125-8551
G. Giappichelli Editore

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L'indépendance de la justice dans la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (di Celestina Iannone, est directrice de la direction de la Recherche et documentation, à la Cour de justice de l’Union européenne; Marlene Brosch et Aldona Michalek-Janiczek sont juristes au sein de la même direction)


Principio ben consolidato nella giurisprudenza della Corte di giustizia dell’Unione europea, l’indipendenza della giustizia svolge un ruolo essenziale nell’architettura del diritto dell’Unione. Esso costituisce, da un lato, un pilastro dello Stato di diritto, valore comune dell’Unione europea, consacrato dall’articolo 2 TUE. Dall’altro, è il fondamento della protezione giurisdizionale effettiva dei diritti prevista dall’articolo 19 TUE e dall’articolo 47 della Carta dei diritti fondamentali. Le numerose cause, presentate dinanzi alla Corte negli ultimi anni, hanno fornito l’opportunità di elaborare un vero e proprio quadro di riferimento per l’accertamento dell’indipendenza dei giudici a livello nazionale. Nella sua ricca giurisprudenza, la Corte interpreta questo principio con riguardo a una molteplicità di aspetti che caratterizzano la funzione giurisdizionale, dalle regole sulla nomina ai regimi pensionistici. In tale contesto, il presente articolo si propone, in primo luogo, di delineare i fondamenti giuridici del principio dell’indipendenza della giustizia nell’ordinamento dell’Unione e i criteri di valutazione definiti dalla Corte di giustizia. In secondo luogo, attraverso una selezione di sentenze, l’articolo presenta la giurisprudenza sull’applicazione di tali criteri.

Judicial Independence in the Case-Law of the Court of Justice of the European Union

A well-established principle in the case-law of the Court of Justice of the European Union, judicial independence plays an essential role in the architecture of the Union’s legal order. It constitutes, on the one hand, a pillar of the rule of law, a common value of the European Union enshrined in Art. 2 TEU. On the other hand, it constitutes the basis of the effective judicial protection of rights enshrined in Art. 19 TEU and Art. 47 of the Charter of Fundamental Rights. Numerous cases brought before the Court in recent years have given the opportunity to develop a genuine framework of reference for reviewing the independence of the judiciary at national level. In its abundant case-law, the Court interprets this principle in numerous respects which characterise judicial function, from systems of appointment to pension schemes. In this context, the purpose of the present article is, first, to outline the legal foundations of the principle of judicial independence in the EU legal order and the assessment criteria defined by the Court. Second, based on a selection of judgements, the article presents the case-law on the application of this principle.

SOMMARIO:

I. Introduction – Section I. Les fondements juridiques du principe de l'indépendance de la justice - II. La valeur de l’État de droit - III. La protection juridictionnelle effective au sens de l’article 19 TUE - IV. Le droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. – Section II. Les critères de l'indépendance de la justice - V. L’application des critères de l’indépendance de la justice - VI. L'application des critères dans les affaires relevant de l’ELSJ - VII. Conclusion - NOTE


I. Introduction – Section I. Les fondements juridiques du principe de l'indépendance de la justice

Principe bien affirmé dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, l’indépendance de la justice revêt un rôle essentiel dans l’architecture de l’ordre juridique de l’Union. Elle constitue un élément cardinal du droit fondamental à un procès équitable, reconnu par l'art. 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et est un instrument visant à garantir la protection effective, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, des droits que les individus tirent du droit de l’Union. En outre, au niveau horizontal, l’indépendance de la justice constitue l’un des fondements de la confiance mutuelle entre les États membres et leurs systèmes juridictionnels, basée sur la prémisse du respect de valeurs communes, dont l’État de droit. À ce jour, la Cour de justice a rendu une jurisprudence extrêmement riche en la matière, qui aborde le principe de l’indépendance sous des aspects variés, à partir des régimes de nomination jusqu’aux régimes de retraite qui sont applicables aux juges. Cette évolution se poursuit, comme en témoignent plusieurs affaires pendantes devant la Cour. Ainsi, le présent article a pour objectif de retracer l’émergence progressive de cette jurisprudence et d’analyser de manière transversale les exigences qui découlent de l’application de ce principe. Il vise à explorer, tout d’abord, les fondements juridiques du principe de l’indépendance de la justice dans l’ordre juridique de l’Union (I) puis à présenter les exigences qui relèvent de son application concrète (II). Section I. Les fondements juridiques du principe de l’indépendance de la justice. – L’indépendance de la justice constitue, d’une part, un pilier de l’État de droit, valeur fondatrice de l’Union, et est, d’autre part, l’instrument qui tend à garantir la protection effective des droits que les individus tirent du droit de l’Union au sens de l’art. 19 TUE et de l’art. 47 de la Charte.


II. La valeur de l’État de droit

L’État de droit est inscrit en droit primaire, à l’art. 2 TUE, parmi les valeurs sur lesquelles repose l’Union et qui sont communes aux États membres. Comme il ressort des deux arrêts du 16 février 2022, Hongrie/Parlement et Conseil ainsi que Pologne/Parlement et Conseil, qui portent sur les recours en annulation visant le règlement 2020/2092  [1] relatif à la conditionnalité pour la protection du budget (ci-après les « arrêts sur la conditionnalité ») [2], et tel que réaffirmé dans l’arrêt en manquement du 5 juin 2023, Commission/Pologne (Indépendance et vie privée des juges), l’art. 2 TUE énonce des valeurs qui relèvent de « l’identité même de l’Union en tant qu’ordre juridique commun », le respect du principe de l’État de droit constituant « une obligation de résultat » pour les États membres [3]. Or, cette obligation, tant des États membres que des institutions de l’Union, existait déjà avant le Traité de Lisbonne. En effet, elle fait son « entrée en scène » dans l’arrêt du 23 avril 1986, Les Verts, dans lequel la Cour se réfère au principe de l’État de droit dans le cadre de la protection juridictionnelle des personnes physiques et morales. La Cour y établit que la Communauté économique européenne est une « communauté de droit, en ce que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité» [4]. En effet, même si le traité de Rome et les traités qui ont suivi sont restés muets sur les valeurs partagées par les États membres, il était communément admis que seuls les États respectant certaines valeurs et aspirant à la démocratie pouvaient être membres de l’Union [5]. Par la suite, le Traité de Maastricht de 1992 a fait une première référence, dans son art. F, aux systèmes de gouvernement des États membres qui «sont fondés sur les principes [continua ..]


III. La protection juridictionnelle effective au sens de l’article 19 TUE

Bien avant sa consécration explicite dans les Traités, l’exigence d’une protection juridictionnelle des droits individuels est déjà identifiable dans les arrêts fondateurs de la Cour de justice. En effet, dans l’arrêt du 5 février 1963, van Gend & Loos, la Cour a consacré l’obligation des juridictions internes de sauvegarder les droits individuels. Cette obligation entraîne un « contrôle efficace » complémentaire de celui qui relève de la compétence de la Commission [28]. De même, dans l’arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal, la Cour a déclaré que le juge national saisi « dans le cadre de sa compétence a, en tant qu’organe d'un État membre, pour mission de protéger les droits conférés aux particuliers par le droit communautaire » [29]. Cette jurisprudence esquisse déjà les contours du rôle structurel qui incombe aux juridictions nationales dans l’ordre juridique de l’Union pour assurer l’effectivité des droits individuels. Or, le lien spécifique entre l’indépendance des juridictions nationales et le droit de l’Union, sous le prisme de l’exigence d’une protection juridictionnelle effective, au sens de l’art. 19, par. 1, second alinéa, TUE, a été établi, pour la première fois, dans l’arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses [30]. Cet arrêt, qui porte sur la question de savoir si l’application de mesures de réduction salariale aux membres de la Cour des comptes portugaise viole le principe de l’indépendance des juges, consacre ainsi la « judiciarisation » de cette disposition [31]. Même si, sur le fond, la Cour n’a pas constaté une telle violation, cet arrêt mérite une attention particulière, car il théorise l’applicabilité autonome de ladite disposition sur la base du rôle primordial des juridictions nationales pour assurer, dans une « Union de droit », la protection des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, mission qui requiert la garantie d’indépendance [32]. L’arrêt [continua ..]


IV. Le droit à un recours effectif au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. – Section II. Les critères de l'indépendance de la justice

La jurisprudence de la Cour relative à la protection juridictionnelle effective associe souvent l’art. 19, par. 1, second alinéa, TUE à l’art. 47 de la Charte, qui consacre le droit à un recours effectif de toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés. Néanmoins, il y a lieu de souligner, d’une part, que les champs d’application ratione materiae de ces deux dispositions ne sont pas les mêmes. En effet, l’application de l’art. 47 de la Charte est délimitée par son art. 51, par. 1, qui nécessite, pour son invocabilité, une « mise en œuvre du droit de l’Union » par l’État membre concerné [52]. Elle est subordonnée à la possibilité pour le justiciable de se prévaloir d’une autre disposition du droit de l’Union [53]. En revanche, l’art. 19, par. 1, second alinéa, TUE s’applique à tous les « domaines couverts par le droit de l’Union ». Cette disposition a donc un champ d’application plus large, son application n’étant pas limitée aux mesures nationales de mise en œuvre du droit de l’Union [54]. À la différence de la Charte, cette disposition suffit à elle seule pour examiner l’indépendance des juridictions nationales [55], dans la mesure où elle vise « les domaines couverts par le droit de l’Union, indépendamment de la situation dans laquelle les États membres mettent en œuvre ce droit, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte » [56]. D’autre part, si l’art. 47 de la Charte couvre l’indépendance judiciaire en tant que droit individuel fondamental et l’art. 19 TUE en tant qu’obligation incombant aux États membres de respecter l’État de droit, ces deux dispositions ont le même contenu normatif : en effet, l’art. 47 de la Charte reconnaît à toute personne, dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés, un droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues audit article, alors que l’art. 19, [continua ..]


V. L’application des critères de l’indépendance de la justice

Il ressort de ces exigences que les garanties d’indépendance et d’im­partialité nécessitent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne la composition de l’instance, la nomination des juges, la durée d’exercice de leurs fonctions ainsi que les causes d’abstention, de récusation et de révocation, afin d’écarter tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de ladite instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts des parties du litige[89]. a) La procédure de nomination Ainsi, saisie de renvois préjudiciels relatifs à la réforme du système judiciaire polonais modifiant les dispositions concernant la nomination des juges, la Cour a précisé que le seul fait que les juges soient nommés par le président de la République « n’est pas de nature à créer une dépendance de ces derniers à son égard ni à engendrer des doutes quant à leur impartialité, si, une fois nommés, les intéressés ne sont soumis à aucune pression et ne reçoivent pas d’instructions dans l’exercice de leurs fonctions ». Cependant, il est nécessaire de s’assurer que « les conditions de fond et les modalités procédurales présidant à l’adoption des décisions de nomination soient telles qu’elles ne puissent pas faire naître, dans l’esprit des justiciables, de doutes légitimes quant à l’imperméabilité des juges concernés à l’égard d’éléments extérieurs et à leur neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent, une fois les intéressés nommés » [90]. En particulier, si la nomination des juges sur proposition d’un organe comme le Conseil national de la magistrature peut, en principe, être de nature à contribuer à une objectivation du processus de la nomination, ce que la Cour a confirmé dans l’arrêt du 20 avril 2021, Repubblika [91], cet organe doit [continua ..]


VI. L'application des critères dans les affaires relevant de l’ELSJ

La mise en place de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ci-après l’«ELSJ») s’appuie sur la coopération judiciaire des juridictions des États membres et est réalisée grâce à la reconnaissance mutuelle des décisions nationales. Cette reconnaissance mutuelle implique que la juridiction saisie de la reconnaissance et de l’exécution de la décision d’une juridiction d’un autre État membre soit convaincue que celle-ci a accordé une protection juridictionnelle effective aux personnes concernées, notamment au regard de leurs droits fondamentaux. À cet égard, la qualification de « juridiction » indépendante de l’autorité visée est essentielle puisqu’elle détermine les décisions qui peuvent être reconnues[114]. En effet, aux fins d’une telle coopération judiciaire, les juridictions nationales doivent tout d’abord être indépendantes pour garantir la confiance mutuelle dans leur engagement notamment à défendre l’État de droit, les principes de confiance mutuelle et d’indépendance de la justice y étant toujours associés [115]. S’agissant de la coopération en matière civile et, plus particulièrement, au regard du règlement no 1215/2012 [116], la Cour a déclaré que le respect du principe de confiance mutuelle suppose que les décisions dont l’exécution est demandée dans un autre État membre soient rendues dans une procédure judiciaire offrant des garanties d’indépendance et d’impartialité ainsi que le respect du principe du contradictoire [117]. Également, en ce qui concerne la coopération en matière pénale, dans le contexte de la décision-cadre 2005/214/JAI [118], cet aspect est central. À cet égard, aux fins d’interpréter la notion de « juridiction », contenue à l’article 1er, sous a), iii), de cette décision-cadre, la Cour s’est appuyée sur les critères dégagés dans sa jurisprudence pour qualifier une « juridiction » au sens de l’art. 267 TFUE, en tenant compte [continua ..]


VII. Conclusion

L’exigence de l’indépendance de la justice trouve ses racines dans la valeur de l’État de droit, une valeur consacrée à l’article 2 TUE, qui est fondatrice de l’Union et commune aux États membres. Le partage de cette valeur commune constitue la prémisse fondamentale de la coopération entre les États membres et, notamment, leurs juridictions. Cette valeur est concrétisée, d’une part, par l’article 19 TUE, paragraphe 1, second alinéa, TUE, qui impose aux États membres l’obligation d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union et, d’autre part, par l’art. 47 de la Charte, qui reconnaît à toute personne dont les droits et les libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés une protection juridique effective devant un tribunal impartial. C’est ce rôle structurel des juridictions nationales, dans la sauvegarde de l’État de droit et donc de la protection juridictionnelle effective, qui se trouve au cœur de la jurisprudence des dernières années sur l’indépendance de la justice. En effet, aux fins de l’exercice de cette fonction primordiale au sein de l’Union, les États membres doivent garantir que les juridictions nationales, appelées à se prononcer sur lesdits droits, soient toujours indépendantes. La Cour a conçu cette notion d’«indépendance judiciaire» dans sa dimension à la fois interne et externe et en a défini les exigences qui se rapportent aux différents aspects de la carrière et de l’activité des juges, à partir de leur nomination jusqu’à leur mise à la retraite. Elle a notamment indiqué les principes généraux visant les procédures de nomination, les procédures disciplinaires, les mutations des juges sans leur consentement ainsi que la mise à la retraite anticipée. Il ressort de cette jurisprudence que, dans l’ordre juridique de l’Union, la notion de « juridiction » appelée à garantir la protection juridique effective doit toujours être entendue [continua ..]


NOTE